Le travailleur qui utilise un téléphone professionnel de manière abusive peut être obligé de rembourser le dépassement du forfait
L’utilisation abusive du téléphone professionnel peut constituer une faute et engager la responsabilité du travailleur même si les conditions d’utilisation de ce téléphone ne sont pas établies dans le contrat de travail ou le règlement de travail.

Faits
Un employeur met un smartphone ainsi qu’un abonnement mobile à la disposition d’un travailleur. Le smartphone est un outil de travail. Le travailleur doit l’utiliser à des fins professionnelles. Le contrat de travail et le règlement de travail ne prévoient pas cette mise à disposition. Aucune politique interne ne formalise les modalités d’utilisation du smartphone.
Peu de temps après l’entrée en fonction du travailleur, l’employeur reçoit une facture très élevée de l’opérateur de téléphonie. Plus des deux tiers du montant réclamé correspond à une consommation de données mobiles hors abonnement. L’employeur demande au travailleur de lui rembourser le montant qui dépasse le forfait. Le travailleur refuse.
L’employeur estime que le travailleur a commis soit une faute lourde, soit une faute légère habituelle. Lorsqu’un travailleur commet ce type de faute, l’employeur peut engager la responsabilité individuelle du travailleur. L’employeur sollicite la condamnation du travailleur à rembourser un montant correspondant à la consommation de données mobiles, hors abonnement.
Décision de la Cour du travail
La Cour constate que, ni le contrat de travail, ni le règlement de travail n’établissent les conditions d’utilisation du smartphone mis à la disposition du travailleur. Cependant, elle relève le fait que le travailleur a expressément reconnu dans un courriel que son employeur lui avait demandé d’utiliser le smartphone à des fins professionnelles uniquement.
En outre, la Cour souligne que même si l’usage privé du smartphone n’est pas interdit par l’employeur, le travailleur ne peut abuser du droit de l’utiliser à des fins privées. L’usage doit rester raisonnable.
Concrètement, l’employeur prouve que le travailleur a utilisé le smartphone à des fins privées, de façon excessive, en dehors des heures de travail. L’employeur démontre que l’opérateur de téléphonie mobile a envoyé deux messages au travailleur, l’informant du dépassement du forfait, en dehors du temps de travail. L’employeur démontre également que le volume de données utilisé correspond à 2440 heures de surf sur internet. Ce nombre d’heures est largement supérieur au temps de travail du travailleur. Enfin, les tâches accomplies par le travailleur avec le smartphone ne justifient pas le volume de données utilisé.
Le volume particulièrement élevé de consommation de données mobiles est excessif et non conforme à l’usage que ferait un travailleur normalement prudent et raisonnable du matériel mis à disposition par son employeur. Cette utilisation excessive constitue un abus de droit et une faute légère habituelle. L’employeur peut engager la responsabilité du travailleur sur la base de l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.
La Cour condamne le travailleur à réparer le dommage qu’il a causé à son employeur. Le travailleur doit payer le coût de la consommation multimédia hors forfait.
Que retenir ?
L’employeur qui met un smartphone à la disposition d’un travailleur a intérêt à formaliser la mise à disposition dans le contrat de travail ou un avenant au contrat de travail.
Par ailleurs, l’employeur doit idéalement disposer d’une politique détaillant les modalités d’usage du smartphone. Cette politique doit mentionner si l’usage privé est autorisé ou interdit.
En tout état de cause, le travailleur doit utiliser le smartphone de manière raisonnable.
Enfin, une juridiction du travail peut condamner un travailleur à rembourser les frais liés à un usage privé abusif du smartphone.
Source : C. trav. Bruxelles, 11 décembre 2024, R.G. n° 2023/AB/748, Terralaboris.