Public sector
21 December 2021

La question (de la rémunération) des gardes dormantes devant les juges constitutionnels

La Cour constitutionnelle valide le régime des gardes dormantes applicables aux internats de la Communauté française.

Dans un arrêt du 30 septembre 2021, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur les implications des gardes dormantes au niveau du calcul de la durée moyenne du travail et de la détermination de la rémunération. Dans ce cadre, elle a validé le régime des gardes dormantes applicables aux internats de la Communauté française.

Contexte

Par un décret du 3 mai 2019, la Communauté française a modifié diverses dispositions en matière d’enseignement obligatoire et de bâtiments scolaires. En particulier, la Communauté française a modifié certaines dispositions en matière de durée du travail pour les éducateurs d’internat des établissements de l’enseignement secondaire général ou technique.

Ces dispositions prévoient désormais que :

« Pour la détermination de la durée du travail, les heures de présence des membres du personnel dans l’internat entre vingt-deux heures trente et six heures trente sont considérées comme du temps pendant lequel le membre du personnel est à la disposition de l’employeur et sont rémunérées à concurrence de quatre heures.

La durée hebdomadaire de travail, en comptabilisant toutes les heures de présence du travailleur dans l’internat en ce compris celles entre vingt-deux heures trente et six heures trente, ne peut dépasser 48 heures en moyenne sur une période de référence de dix mois commençant le 1er septembre et se terminant le 30 juin. (…) ».

Plusieurs éducateurs introduisent un recours en annulation à l’encontre de ces dispositions en invoquant la violation du principe d’égalité et le droit à des conditions de travail et à une rémunération équitables.

Décision de la Cour constitutionnelle

Dans un premier temps, les requérants reprochent à la disposition attaquée de prévoir que les gardes dormantes effectuées par les éducateurs d’internat ne sont comptabilisées qu’à concurrence de quatre heures pour une présence effective de huit heures.

La Cour constitutionnelle rappelle qu’au sens de la directive 2003/88/CE, le temps de travail s’entend de « toute période durant laquelle le travailleur est au travail, à la disposition de l’employeur et dans l’exercice de son activité ou de ses fonctions, conformément aux législations et aux pratiques nationales ».

La Cour constitutionnelle constate que la disposition attaquée prévoit explicitement qu’il y a lieu de comptabiliser toutes les heures de présence du travailleur dans l’internat – en ce compris celles entre 22h30 et 6h30 – dans le calcul de la durée maximale de travail et qu’en cas de garde dormante, la prise en compte de 4 heures pour 8 heures de présence effective vaut exclusivement pour la rémunération des gardes dormantes.

Dans un second temps, les requérants allèguent l’existence d’une discrimination entre les éducateurs d’internat et les autres membres de la fonction publique. Les autres membres de la fonction publique bénéficieraient, sur base de la loi du 14 décembre 2000, d’un traitement plus favorable au niveau de la durée du travail hebdomadaire maximale moyenne (38 heures en lieu et place de 48 heures), de la période de référence (4 mois en lieu et place de 10 mois) et de la rémunération des prestations (octroi d’un repos compensatoire rémunéré en cas de dépassement).

Sur ce point, la Cour constitutionnelle juge que les éducateurs d’internat se trouvent dans une situation objectivement différente de celle des autres membres de la fonction publique et ce, en raison de la nature particulière de leurs prestations : pendant les gardes dormantes, l’éducateur d’internat dort sur son lieu de travail tout en restant disponible en cas de besoin.

Dans ces conditions, il n’est pas sans justification raisonnable que ces prestations fassent l’objet d’un traitement particulier sur le plan de la rémunération et que les éducateurs d’internat soient soumis à une durée de travail hebdomadaire maximale plus longue.

Dans ce cadre, la Cour constitutionnelle rappelle la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne selon laquelle la directive 2003/88/CE réglemente certains aspects de l’aménagement du temps de travail et non la rémunération des travailleurs. En ce sens, la directive ne s’oppose pas à l’application par un État membre d’une réglementation qui, aux fins de la rémunération du travailleur et s’agissant du service de garde effectué par celui-ci sur son lieu de travail, prend en compte de manière différente les périodes au cours desquelles des prestations de travail sont réellement effectuées et celles durant lesquelles aucun travail effectif n’est accompli.

En l’espèce, les requérants n’apportent aucun élément susceptible de mettre en doute le caractère raisonnable de la mesure, en particulier s’agissant de la comptabilisation des heures dans le cadre du calcul de la rémunération et de la fixation de la durée du travail hebdomadaire maximale à 48 heures.

En outre, le fait de ne pas prendre en compte l’intégralité des heures de travail prestées en cas de garde dormante pour le calcul de la rémunération ne rend pas en soi inéquitable la rémunération des travailleurs concernés et ne revient pas à assujettir ceux-ci à un régime de travail forcé.

En conséquence, la Cour constitutionnelle considère que le grief n’est pas fondé et déboute les requérants.

Que retenir ?

Lors de l’appréciation de la durée moyenne de travail, l’autorité doit prendre en compte l’ensemble des heures prestées par l’agent pendant la garde dormante.

En revanche, l’autorité peut, dans certaines hypothèses, prévoir pour les heures prestées dans le cadre d’une garde dormante une rémunération distincte de la rémunération normale. La fixation du quantum de cette rémunération doit rester raisonnable. 

Source : C.C., 30 septembre 2021, arrêt n° 120/2021.


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