Fin du contrat
18 février 2022

La notion « aménagements raisonnables » peut inclure l’obligation d’offrir un autre emploi

La Cour de justice de l’Union européenne, répondant à une question préjudicielle posée par le Conseil d’Etat en 2020, précise la portée qu’il convient de donner à la notion d’ « aménagements raisonnables » pour les personnes handicapées.

Le Conseil d’Etat avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne de la question de savoir si l’obligation d’offrir des « aménagements raisonnables » en faveur d’un travailleur handicapé allait jusqu’à imposer à l’employeur de proposer à l’intéressé, à défaut de pouvoir adapter son poste, un autre emploi au sein de l’entreprise ? Dans son arrêt du 10 février 2022, la Cour de justice nous livre sa réponse.

Contexte

Un agent en période de stage est déclaré définitivement inapte à exercer la fonction pour laquelle il a été recruté. L’employeur le licencie. Dans le statut du personnel, aucune procédure de reclassement n’était prévue en faveur des stagiaires (contrairement aux agents nommés à titre définitif).

Le stagiaire conteste cette décision devant le Conseil d’État en mettant notamment en avant l’existence d’une discrimination basée sur son handicap. L’intéressé estime en effet que son employeur aurait dû lui proposer une autre fonction au lieu de mettre un terme à son stage.

Le Conseil d’État saisit la Cour de Justice de l’Union européenne de la question de savoir si l’obligation de proposer des « aménagements raisonnables » se limite aux adaptations du poste ou inclut également l’obligation d’offrir un autre emploi adapté.

Décision de la Cour de Justice

La Cour note que le 20ème considérant de la Directive 2000/78 définit la notion d’aménagements raisonnables comme étant « des mesures efficaces et pratiques destinées à aménager le poste de travail en fonction du handicap, par exemple en procédant à un aménagement de locaux ou à une adaptation des équipements, des rythmes de travail, de la répartition des tâches ou de l’offre de moyens de formation ou d’encadrement ». La Cour souligne cependant qu’il s’agit là d’une énumération non exhaustive.

La Cour juge que la notion d’aménagement raisonnable doit, au vu de la finalité de la directive, être interprétée largement et qu’une réaffection dans un autre emploi est susceptible de constituer une mesure appropriée.

Pour la Cour, la référence faite, dans la Directive, à l’aménagement du « poste de travail » doit être comprise comme soulignant le caractère prioritaire d’un tel aménagement au regard d’autre mesures permettant d’adapter l’environnement de travail de la personne handicapée.

Autrement dit, lorsque, comme en l’espèce, le travailleur est déclaré définitivement inapte pour la fonction pour laquelle il a été engagé, l’employeur a l’obligation de lui proposer une nouvelle affectation, pour autant que cette obligation n’entraine pas une charge disproportionnée pour l’employeur. A cet égard, la Cour précise que l’obligation de réaffectation n’existe qu’en présence d’au moins un poste vacant au sein de l’entreprise que le travailleur est susceptible d’occuper.

Que retenir ?

Selon la Cour de Justice, l’obligation de l’employeur de mettre en place des aménagements raisonnables en faveur d’un travailleur en situation de handicap doit s’apprécier prioritairement au regard de la fonction exercée par ce dernier, mais ne s’arrête pas là.

Lorsqu’un tel aménagement n’est pas possible, l’employeur doit proposer à l’intéressé un autre poste de travail, s’il existe en son sein un poste vacant pour lequel le travailleur dispose des compétences, des capacités et des disponibilités requises et qu’une telle réaffectation n’impose pas à l’employeur une charge disproportionnée.

L’employeur – privé ou public – qui met fin à la relation de travail sans avoir examiné la possibilité d’offrir un autre poste de travail à la personne en situation d’handicap peut donc se voir condamner pour discrimination. Cette obligation vaut quel que soit le statut du travailleur, donc peu importe qu’il soit définitivement engagé ou qu’il effectue un stage consécutif à son recrutement.

Notons également que dans le contexte d’un trajet de réintégration, l’employeur devait déjà proposer un emploi alternatif lorsque le travailleur est déclaré définitivement inapte à sa fonction, mais apte pour un autre travail.

Source : Cour de Justice de l’Union européenne, 10 février 2022, C-485/20.

 

 


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