Le droit de grève n’inclut pas l’entrave méchante à la circulation sur la voie publique
La Cour européenne des droits de l’homme s’est récemment prononcée sur les contours de la liberté d’expression et d’association dans l’arrêt Bodson et autres c. Belgique
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Selon la Cour, le droit de grève n’inclut pas le droit pour un syndicat de bloquer la voie publique sans autorisation préalable, provoquant une paralysie complète de la circulation et créant une situation de danger.
Les faits
Des manifestants installent des piquets de grève devant un centre commercial de Herstal, à proximité des voies d’accès à l’autoroute A3/E40. Sans avertissement préalable, ceux-ci bloquent ensuite l’autoroute au moyen de barricades.
Certains participants sont identifiés et condamnés pour entrave méchante à la circulation routière, prohibée par l’article 406 du Code pénal.
Les manifestants saisissent la Cour européenne des droits de l’homme car ils estiment que 1) leur condamnation porte atteinte à la liberté d’expression et à la liberté de réunion et d’association et 2) la sévérité de la peine infligée à certains manifestants repose sur leur appartenance syndicale et est discriminatoire.
La décision de la Cour
1) La Cour décide que la condamnation des manifestants constitue une ingérence à la liberté de réunion des manifestants.
Elle considère, toutefois, que l’ingérence est, en l’espèce :
- prévue par la loi, plus précisément par l’article 406 du Code pénal ;
- poursuit des buts légitimes, à savoir la défense de l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui ;
- et est nécessaire, dans une société démocratique, pour les atteindre. La Cour relève à cet égard que l’entrave à la circulation : (1) n’a fait l’objet d’aucun avertissement ni autorisation préalables ; (2) a bloqué totalement la circulation pendant plusieurs heures et a créé une situation de danger pour les usagers comme pour les manifestants eux‑mêmes ; (3) ne fait pas suite à un évènement soudain justifiant une réaction immédiate ; (4) ne visait pas directement une activité que les manifestants réprouvaient ; (5) n’était pas le seul moyen nécessaire pour faire valoir leurs revendications.
La Cour ajoute que les personnes identifiées n’ont pas été condamnées pour avoir usé de leur liberté d’expression ou de leur droit de grève, mais pour avoir participé à l’entrave méchante de la circulation punie par le Code pénal.
2) Enfin, la Cour confirme que certains manifestants ont, compte tenu de leurs responsabilités syndicales, eu un rôle concret prépondérant dans le blocage de l’axe autoroutier et, de ce fait, ont légitimement pu se voir infliger des sanctions plus sévères.
Que retenir ?
Le droit de grève n’inclut pas le droit pour les manifestants de bloquer la voie publique et de provoquer une entrave dangereuse à la circulation.
Un tel comportement constitue une infraction pénale.
Dans le cadre de la détermination de la peine, le juge prend en compte le rôle concret des protagonistes dans la commission de l’infraction et peut ainsi estimer que les personnes exerçant des responsabilités syndicales n’ont pas usé à bon escient de l’autorité attachée à leur fonction.
Source : C.E.D.H., Bodson et autres c. Belgique, 16 janvier 2025, https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-238838%22]}