Fonction publique : quels recours contre une décision de réorganisation ?
Le Conseil d’État se prononce sur l’irrecevabilité du recours contre une décision de réorganisation.

Dans cette affaire, le Conseil d’État rappelle les contours de la notion de mesure d’ordre intérieur qui n’est pas susceptible de recours. Il qualifie une décision de réorganisation de mesure d’ordre intérieur et déclare, par conséquent, le recours irrecevable.
Contexte
Un agent exerce ses fonctions au sein d’un service juridique. En 2017, l’autorité décide de centraliser le service juridique. Dans ce contexte, les agents ont le choix entre (1) rester sur leur site actuel en changeant de métier ou (2) conserver leur métier actuel en changeant de site. Le requérant confirme qu’il préfère conserver son métier actuel et changer de site de travail. L’autorité le mute, dans l’intérêt du service, à un poste de superviseur sur un autre site.
En 2022, l’autorité informe l’agent d’un changement de ligne hiérarchique. Dans ce cadre, le requérant apprend que la fonction de superviseur correspondant à un grade inférieur à son ancienne fonction (BS en lieu et place de AA.1).
Le requérant introduit un recours en annulation notamment contre la décision de réorganisation de 2022. L’autorité estime que le recours est irrecevable.
Décision du Conseil d’État
En principe, tout changement dans l’affectation d’un agent sans modification de ses droits statutaires ou prérogatives liées à la fonction constitue une mesure d’ordre intérieur. Une telle mesure n’est pas susceptible de recours devant le Conseil d’État, sauf (1) si le changement d’affectation constitue une sanction disciplinaire déguisée ou (2) si le changement d’affectation a été pris en raison du comportement de l’agent etengendre des modifications importantes dans l’exercice de ses fonctions ou porte atteinte à ses droits statutaires.
En l’espèce, l’agent ne démontre aucun élément laissant penser que son comportement serait à l’origine de la décision.
Par ailleurs, la décision n’a entrainé aucune répercussion défavorable sur la manière du requérant d’exercer ses fonctions et n’a pas bouleversé de manière importante son cadre de travail :
- Le statut administratif et pécuniaire du requérant est inchangé et il conserve l’entièreté de ses prérogatives ; malgré le changement de niveau de poste, le requérant est maintenu dans le grade A ;
- Le requérant ne démontre pas que ses tâches ne seraient pas en adéquation avec ses compétences ou qu’elles seraient indignes de son grades ou encore qu’elles seraient dévalorisantes, vexatoires ou humiliantes ;
- Le fait que le requérant soit désormais supervisé par un autre agent de niveau A n’est pas de nature à affecter substantiellement son activité professionnelle et donc à lui porter grief.
La réorganisation de 2022 est une mesure d’ordre intérieur qui n’est pas susceptible de recours devant le Conseil d’État. Le recours est donc irrecevable.
Que retenir ?
Une décision de réorganisation constitue, à certaines conditions, une mesure d’ordre intérieur qui n’est pas susceptible de recours devant le Conseil d’État.
Il existe deux exceptions à ce principe : (1) lorsque la mesure litigieuse est une sanction disciplinaire déguisée et (2) lorsqu’elle a été prise en raison du comportement de l’agent et qu’elle engendre, en outre, des modifications importantes dans l’exercice de ses fonctions ou porte atteinte à ses droits statutaires.
Source : C.E., 16 avril 2024, n° 259.491.