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04 december 2024

Procédure disciplinaire : impact d’une procédure pénale sur le délai raisonnable

Le Conseil d’État se penche sur la question du délai raisonnable d’une procédure disciplinaire suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

Le Conseil d’État se penche sur la question du délai raisonnable d’une procédure disciplinaire suspendue dans l’attente de l’issue de la procédure pénale.

Faits

En 2016, un instituteur adopte un comportement brutal envers une élève. Il se présente volontairement au secrétariat communal et reconnait avoir mal agi, tout en niant les coups. La commune reçoit d’autres plaintes signant que l’instituteur a déjà eu des comportements violents à l’encontre d’élèves. La mère de l’élève dépose plainte auprès de la police.

La commune entame une procédure disciplinaire et suspend l’instituteur, en attendant l’issue de la procédure pénale. Lors d’une audition sur la suspension préventive, le conseil de l’instituteur informe la commune que son client est inculpé et promet d’en communiquer spontanément les suites. La commune prolonge successivement la suspension préventive, en demandant systématiquement à l’instituteur de l’informer de l’état du dossier pénal.

En 2020, la Cour d’appel de Bruxelles condamne l’instituteur. La communauté française informe la commune plusieurs mois plus tard. En 2021, la commune inflige à l’instituteur une sanction de démission d’office.

L’instituteur conteste cette sanction, invoquant une violation du délai raisonnable.

Décision du Conseil d’État

Selon le principe du délai raisonnable, l’autorité disciplinaire doit agir avec célérité. Lorsque l’autorité est informée d’indices relatifs à des faits potentiellement constitutifs d’une infraction disciplinaire, elle doit faire diligence pour avoir une connaissance suffisante des faits et être en mesure d’entamer (ou non) une procédure disciplinaire. Le caractère raisonnable de la procédure dépend des circonstances concrètes, notamment la nature et la complexité de l’affaire ou le comportement de l’autorité et de l’agent.

En l’espèce, le Statut des enseignants prévoit qu’une procédure pénale suspend la procédure

disciplinaire sauf en cas de flagrant délit ou si les faits sont reconnus par l’enseignant.

Si l’instituteur a reconnu avoir mal agi ou certains faits, il a, tout au long de la procédure, soutenu que les plaintes à son encontre étaient fausses et mensongères. L’instituteur ne prouve donc pas qu’il a reconnu les faits. L’action pénale a donc valablement suspendu la procédure disciplinaire.

Par ailleurs, l’instituteur ne peut reprocher aucun retard à la commune :

  • D’une part, elle a systématiquement demandé à l’instituteur de l’informer sur l’issue de la procédure pénale.
  • D’autre part, l’instituteur avait lui-même signalé qu’il informerait « en toute transparence » la commune des suites de la procédure pénale. L’instituteur a donc lui-même retardé le traitement de la procédure disciplinaire et ne peut en tirer argument pour invoquer une violation du délai raisonnable.

Que retenir ?

L’autorité doit agir avec célérité à chaque étape de la procédure (pré-)disciplinaire. Lorsque

l’autorité a connaissance d’indices de l’existence d’une infraction disciplinaire faisant l’objet d’une procédure pénale, elle doit faire preuve de diligence pour s’informer des faits, en interrogeant notamment l’agent et/ou le parquet. Si, de son côté, l’agent s’est engagé à informer l’autorité des suites pénales et qu’il ne répond pas aux demandes de l’autorité, il ne pourra pas invoquer les éventuels retards de la procédure.

Source : C.E., 25 juin 2024, n° 260.248.


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