Lois « lanceur d’alerte » : vers une annulation partielle par la Cour constitutionnelle ?
Les lois belges encadrant la protection du lanceur d’alerte suscitent d’importantes discussions. Celles-ci portent, notamment, sur leur articulation avec les règles traitant du secret professionnel applicable à certaines professions. Dans ce contexte, la Cour constitutionnelle a récemment été saisie de recours en annulation. A son tour, la Cour de justice de l’UE doit à présent se prononcer.
Contexte
La législation encadrant la protection du lanceur d’alerte se compose principalement de deux textes :
- La loi du 28 novembre 2022 concerne les signalements de violations au droit de l’Union ou au droit national dans le secteur privé ;
- La loi du 8 décembre 2022 vise les signalements d’atteintes à l’intégrité dans le secteur public fédéral et la police intégrée.
L’articulation entre ces textes et le secret professionnel, auquel plusieurs professions sont soumises, fait débat. Le législateur a prévu une règle d’exception pour les avocats : ces derniers seraient liés par leur secret, uniquement, pour ce qui relève de leurs activités spécifiques, du monopole de plaidoiries dont ils disposent et des procédures judiciaires. Par contre, le législateur n’apporte pas de précision pour les autres groupes professionnels, également soumis au secret : juristes d’entreprises, conseillers fiscaux, experts-comptables, etc.
Recours en annulation
Dans ce contexte, plusieurs organisations (avocats.be, orde van vlaamse balies (OVB), institut des juristes d’entreprise, institut des conseillers fiscaux et des experts-comptables) ainsi que des particuliers ont décidé d’introduire un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle. Leur objet peut être résumé comme suit :
- S’agissant d’avocats.be et de l’OVB, ils estiment que ces lois restreignent de manière excessive le secret professionnel des avocats ;
- S’agissant de l’association des juristes d’entreprise, ils estiment que la loi du 28 novembre 2022 peut empêcher de garantir la confidentialité de leurs avis. Ils redoutent également une baisse de la confiance des employeurs, ne pouvant plus assurer un certain degré de discrétion et, par conséquent, une diminution de leurs services ;
- S’agissant de l’institut des conseillers fiscaux et des experts-comptables, ils déplorent que leur secret professionnel ne soit pas protégé, ce qui est de nature à nuire à la relation de confiance avec leurs clients.
Décision de la Cour constitutionnelle
Selon la Cour constitutionnelle, le législateur n’a pas méconnu le secret professionnel des avocats.
La Cour interroge la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) quant à l’absence d’exception pour les autres professions juridiques. La Cour attend les réponses de la CJUE avant de se prononcer à l’égard de leur recours.
Que retenir ?
Saisie de recours en annulation visant les lois « lanceur d’alerte », la Cour constitutionnelle dit pour droit que le secret professionnel des avocats n’est pas restreint par celles-ci. La Cour constate que c’est uniquement pour ce qui ne relève pas de leurs activités spécifiques, du monopole de plaidoiries et des procédures judiciaires que les avocats peuvent être déliés du secret professionnel.
Par contre, la Cour constitutionnelle interroge la CJUE, sur renvoi préjudiciel, afin de déterminer si les lois « lanceur d’alerte » doivent contenir une règle d’exception pour les autres professions juridiques, tenues au secret professionnel. Selon la position de la CJUE sur ces domaines, les lois « lanceur d’alerte » pourraient faire l’objet d’une annulation partielle.
Source : Cour constitutionnelle, 7 novembre 2024, arrêt 115/2024, disponible sur www.const-court.be