Droit collectif
06 mars 2020

L’entrave méchante à la circulation durant une grève est pénalement punissable

Dans un arrêt du 7 janvier 2020, la Cour de cassation confirme qu'un gréviste peut être condamné pénalement s'il entrave, sciemment, la circulation. Est indifférent, le fait que ce travailleur n'était pas conscient des conséquences dangereuses de son comportement.

Selon la Cour de cassation, un gréviste peut être condamné pénalement s'il entrave, sciemment, la circulation. Il ne doit pas être démontré que ce travailleur était conscient des conséquences potentiellement dangereuses de son comportement.

Contexte

Au cours de la grève générale du 24 juin 2016, plusieurs barrages routiers sont installés à Anvers, à proximité du port. A un carrefour très fréquenté, des pneus de voiture sont brûlés. La visibilité limitée, causée par les dégagements de fumée, ainsi que les embouteillages entraînent une situation dangereuse pour les manifestants et pour les automobilistes.

La Cour du travail d’Anvers condamne le responsable provincial d'une organisation syndicale, considéré comme "l’instigateur", du chef d’entrave méchante à la circulation (infraction pénale visée par l'article 406, alinéa 1er du Code pénal).

Le responsable syndical se pourvoit devant la Cour de cassation. Il fait notamment valoir qu’il n’était pas "conscient" du danger résultant des actes commis dans le cadre de l’action de grève. Or, selon sa thèse, cet élément moral doit être démontré pour qu’il puisse être condamné pénalement.

Décision de la Cour de cassation

Selon la Cour de cassation, le caractère délibéré de l'entrave à la circulation suffit pour démontrer l'élément moral requis. Est indifférent, le fait que l’auteur de l’acte n'était pas conscient du caractère dangereux de son comportement.

Par ailleurs, le responsable syndical soutenait qu’il ne pouvait être question de « malveillance » dans son chef, dès lors que le blocage de la route serait inhérent à l’action de grève. La Cour ne suit pas cette position. La circonstance qu’une infraction soit commise dans le cadre d’une grève n’a pas pour effet de faire disparaître l’élément moral de l’infraction.

En outre, le fait que l’action ait été demandée, autorisée ou tolérée par l'organisation syndicale, de même que la présence policière au moment des faits, sont sans pertinence. 

Enfin, la Cour confirme que les articles 10 et 11 de la CEDH (qui protègent entre autres le droit de grève) ne sont pas des droits absolus : ces droits peuvent être limités dans l’intérêt général, notamment pour assurer la sécurité et la liberté des citoyens. L’application proportionnée d’une disposition pénale ne porte dès lors pas atteinte au droit de grève.

Que retenir ?

Au cours d’une action de grève, la circulation routière ne peut être délibérément entravée, si cela est susceptible de conduire à des situations dangereuses. Les personnes coupables d’un tel comportement peuvent être condamnées pénalement, du chef "d'entrave méchante à la circulation".

Le fait que l’auteur n’avait pas l’intention de provoquer une situation dangereuse, de même que le fait que le blocage s’inscrivait dans le cadre d'une grève, ne sont pas des circonstances pertinentes pour apprécier si les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis.

Source : Cass., 7 janvier 2020, P.19.0804.N


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