Droit collectif
02 novembre 2021

L’entrave à la circulation routière lors d’une grève peut valoir une condamnation pénale

Dans un arrêt du 19 octobre 2021, la Cour d’appel de Liège a condamné plusieurs militants de la F.G.T.B. pour avoir délibérément entravé la circulation routière à l’occasion d’une grève nationale. Suivant la jurisprudence récente de la Cour de cassation, la juridiction pénale a jugé indifférente la question de savoir si les grévistes étaient conscients, ou non, du danger engendré par leur action.

Contexte

Les faits se déroulent le 19 octobre 2015, dans le contexte d’une grève nationale à l’initiative de la F.G.T.B. en réaction aux mesures adoptées par le Gouvernement fédéral de l’époque.

A cette occasion, plus d’une centaine de militants installent des piquets de grève sur le pont de Cheratte (situé en région liégeoise), occasionnant près de 400 km de bouchon et d’importants dégâts matériels.

Plusieurs grévistes sont poursuivis du chef de l’infraction « d’entrave méchante à la circulation » (art. 406 du Code pénal). Condamnés en première instance, les prévenus interjettent appel de cette décision.

Décision de la Cour d’appel

Comme toute infraction pénale, l’entrave méchante à la circulation requiert deux éléments :

  • Un élément matériel, à savoir l’entrave à la circulation routière sur la voie publique, mettant en danger les usagers.

La Cour relève que les auteurs sont responsables – ne fût-ce que par omission – d’un blocage complet et persistant, pendant plusieurs heures, de la circulation. Ce blocage était de nature à rendre dangereuse la circulation ou à provoquer des accidents.

  • Un élément moral : la Cour d’appel précise qu’est indifférente, la question de savoir si les auteurs savaient (ou devaient savoir) que leur action impliquerait une situation dangereuse – danger qui, au demeurant, était bien présent.

Il suffit de constater que les auteurs ont volontairement entravé la circulation routière, comme c’était le cas en l’espèce. La juridiction pénale suit en cela un enseignement de la Cour de cassation, précédemment commenté (voyez notre News du 6 mars 2020).

La Cour examine enfin la cause de justification avancée par les prévenus, tirée du droit de grève et de manifester, protégé par les articles 10 et 11 de la CEDH. La Cour rappelle qu’il ne s’agit pas d’un droit absolu : il peut être limité dans l’intérêt général, notamment pour protéger la sécurité publique et l’intégrité des personnes. L’application proportionnée d’une disposition pénale ne porte pas atteinte au droit de grève, conclut la Cour.

Les auteurs sont condamnés à des peines d’emprisonnement avec sursis et au paiement d’amendes.

Que retenir ?

Lors d’une action de grève, les participants ne peuvent entraver délibérément la circulation routière et ainsi entrainer un danger pour les usagers de la route. Une telle action peut valoir à leurs auteurs une condamnation pénale, même s’il n’est pas établi qu’ils avaient l’intention de provoquer ce danger.

En tant qu’elle vise à protéger l’intérêt général et qu’elle est proportionnée à cet objectif, cette sanction pénale ne constitue pas une ingérence illicite dans le droit de grève.

Source : Cour d’appel Liège (18e ch.), 19 octobre 2021, R.G. n° 2021/CO/173, inédit.


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